Il va à l’encontre des idées reçues que la beauté serait une valeur négative et même un mal. Il s’agit bien entendu ici de parler de la beauté des hommes et des femmes et non de la beauté d’un paysage, d’un tableau ou d’un texte.
Est-ce qu’on ne pourrait pas dire que la beauté est un mal pour celui qui ne l’a pas ?
Mais il faudrait alors pouvoir constater que celui qui ne possède pas la beauté, loin de la rechercher, la rejette puisque c’est un mal. Or, on constate, le plus souvent, que ceux qui sont qualifiés de laids, essaient d’améliorer leur apparence et donc d’atteindre un certain idéal de beauté qui leur permettrait, peut-être, d’être plus heureux, sinon de mieux vivre.
Imaginons un être défavorisé par la nature. Prenons-le femme. Celle-ci se plaindra d’être quelqu’un de transparent, que personne ne regarde, dans un lieu public. A moins que sa laideur soit telle qu’on la regardera avec répulsion ou au mieux, avec pitié.
Des études ont montré que les êtres beaux sont regardés avec bienveillance, obtiennent de bonnes appréciations dès l’école et sont plus à l’aise en société et dans le domaine amoureux.
Aucune de ces situations n’est accordée aux laids. Dès l’enfance, ils peuvent être moqués par leurs camarades, moins bien notés par leurs professeurs (ces derniers pouvant étant inconscients de faire une différence), délaissés dans une réunion à moins de faire preuve d’une originalité amusante (faire le comique de service) ou d’un esprit intelligent, vif, et prompt aux réparties. Mais tous les laids ne s’appellent pas Jean-Paul Sartre.
Les laids au masculin sont-ils mieux traités que les laids au féminin ?
La laideur masculine était, il y a quelques centaines d’années excusée car liée à des activités rudes et dangereuses telles la chasse ou la guerre. Elle fut pendant longtemps privilégiée par rapport à la beauté masculine synonyme de faiblesse et d’effeminisation, sauf bien entendu chez les grecs anciens, pour qui la beauté masculine était valorisée aussi bien dans le domaine de l’art que dans la littérature.
Il apparaît qu’actuellement la laideur masculine soit moins excusable et tende à disparaitre au profit d’une féminisation visible dans les magazines et dans le développement des produits de beauté pour hommes, dans une tentative d’effacement des genres.
Faut-il donc que tout le monde soit beau ?
Est-ce nécessaire d’être beau et belle malgré les efforts et les déceptions que le diktat de la beauté peut apporter ?
Un dur travail commence pour l’être plus ou moins laid en désir de transformation. Il lui faudra maigrir ou grossir, s’enduire de crèmes actives et prometteuses, transpirer, et se muscler, et peut-être se faire opérer. Se donner tant de mal et s’entendre dire que la beauté est un mal!
Oui, il est vrai que quand une belle entre dans la salle d’un restaurant, quelques fourchettes restent suspendues en l’air mais il est tout aussi vrai que beaucoup piquent encore dans leur assiette.
Oui, on est satisfait(e) d’admirer son reflet dans les vitrines.
Oui, on aime compter les likes sur facebook sous sa photo. Et surtout, quel plaisir d’avoir tant d’amoureux dont on ne sait lequel prendre … Mais celui qui est le plus amoureux de nous, c’est nous-même. On se sent tellement bien dans sa peau de belle ou de beau
Mais de nouvelles études ont démontré que le monde du travail demande des preuves supplémentaires de capacité aux beaux et surtout aux belles. Certaines candidates ont été éliminées d’office pour des postes intéressants du fait de leur beauté qui aurait apporté la zizanie chez les hommes et la jalousie chez les femmes. La beauté peut susciter en effet la jalousie et l’envie, et nuire, contrairement à ce que l’on pense ordinairement à une intégration facile dans la société.
Par ailleurs, on connait tous cette affirmation amusante que la laideur est supérieure à la beauté parce qu’elle dure.
Un laid qui vieillit ne devient généralement pas plus laid. Certains, même, voient leur laideur s’améliorer avec les rides et les cheveux argentés. La beauté est fragile et destinée à disparaitre. On a dit que vieillir était un naufrage mais peut-être encore plus difficile pour des êtres qui ont été beaux. Telle actrice suédoise avait banni de son appartement les miroirs lorsqu’elle n’a plus eu la force de se regarder vieillir.
Faudrait-il alors, privilégier une autre forme de beauté, celle de l’âme ou de l’esprit? Et dire comme Della Porta au début du 17 ème siècle: “Celui qui apercevra aux signes de son corps que son âme n’est nullement recommandable, qu’il s’efforce diligemment de compenser par l’exercice de la vertu, les mauvais signes du corps.”
Il faut comprendre ici que les mauvais signes du corps sont une trop grande beauté que l’on doit remplacer par une très grande vertu.
Mais pour Socrate, aimer la beauté physique amène à aimer tout ce qui est beauté, dont la beauté de l’âme. On trouve là un équilibre entre la beauté du corps et la beauté morale.
Et il est vrai qu’on assimile souvent ce qui est beau à ce qui est bien. Dans une certaine littérature, les contes en étant l’exemple presque parfait, les héroïnes, princesses ou bergères, sont belles tout en étant bonnes et les méchantes sont des sorcières très laides, des ogresses effrayantes (à part la reine dans le conte de Blanche Neige, qui est, semble-t-il, une belle reine d’après ce que dit le miroir, mais est-il sincère dans ses louanges?)
La beauté peut ainsi servir de masque à une âme fort noire (la chanson l’exprime aussi: “Une jolie fleur dans une peau de vache…“) et la littérature ainsi que le cinéma ont déjà utilisé ce procédé avec succès: il existe des dames et des messieurs vampires très séduisants.
Donc…
La beauté devient un mal si on la recherche à tout prix ou si elle cache la vérité d’un être. “Rien n’est plus beau que le vrai”. Elle est nécessaire parce que chacun veut la trouver et peut la trouver, même dans quelqu’un de laid. On connait la phrase de Voltaire qui énonce que ce qui est beau pour le crapaud, c’est sa crapaude. On connait moins le philosophe de Cordoue Ibn Hazm qui au XIème siècle écrivait qu’il y avait un jeune homme dont l’aimée avait un cou trop court, et loin de le regretter, il trouvait que les femmes au cou élancé ressemblaient à de longues couleuvres. Et il ajoutait: “La longueur du cou des chameaux les rend-il plus beau?”