Vous avez peut-être entendu parler dans les médias d’une certaine forme de lymphome qui peut survenir à la suite de la pose de prothèses mammaires. Cette information peut vous inquiéter et je souhaite vous apporter des informations complémentaires.
Quelques chiffres tout d’abord. Selon l’ARC (fondation de recherche sur le cancer), on diagnostique 18000 cas de lymphome par an, ce nombre de nouveaux cas ne cesse d’augmenter (de 5% par an depuis les années 1970) pour des raisons mal connues (1). On peut donc estimer à environ 120 000 nouveaux cas de lymphome entre 2011 et 2018. Parmi eux, en France, l’Agence Nationale de Sureté du Médicament (ANSM) a recensé 53 cas d’une forme inhabituelle de lymphome dits anaplasique à grandes cellules (LAGC) chez des patientes ayant eu des implants mammaires. On comprend donc assez bien que sur une maladie grave (lymphome) dont le nombre de nouveaux cas augmente régulièrement, un nombre faible de nouveaux cas est très difficile à analyser dans les détails. Même s’il s’agit d’une maladie grave, beaucoup de patientes ont développé cette maladie après la pose et des changements de leurs prothèses, d’autres facteurs pouvant être associés à ce lymphome.
En 2015, on estime à 37 000 le nombre de prothèses mammaires implantées en France et à environ 400 000 le nombre de femmes porteuses de prothèses (2).
Depuis 7 ans maintenant cette entité est connue et les chirurgiens plasticiens ont suivi les recommandations des différents comités de surveillance que ce soit pour la pose, mais aussi la déclaration des cas suspects, qui restent heureusement très rares.
Un mot sur les prothèses mammaires texturées
Deux matières peuvent habiller l’enveloppe :
- L’élastomère de silicone :à la fois souple et très résistante à l’usure (solidité des parois) répond à des critères d’étanchéité pour limiter la transpiration du gel de silicone vers l’extérieur et sa diffusion dans le corps(cause de coques). Les surfaces peuvent être lisses ou texturées (rugueuses). L’enveloppe texturée rugueuse favorise l’adhérence des tissus mammaires autour de la prothèse et diminue le risque de rotation des implants. Son action sur une possible diminution de la fréquence des coques (taux normalement inférieur à 1%) n’a cependant pas été prouvé.
- La mousse de polyuréthane:prothèses dont l’enveloppe de silicone est recouverte de polyuréthaneprésentent les meilleurs résultats à long termeet contribuent à réduire l’incidence des phénomènes de coque.Grâce à sa texture, l’implant adhère à la glande mammaire comme un velcro évitant ainsi les risques de rotation.
Les signes cliniques
Une augmentation de volume du sein avec un épanchement prériprothétique et des douleurs au niveau du sein concerné sont les éléments cliniques qui ont permis le diagnostic chez la majeure partie des patientes concernées par l’étude
Les données de l’agence nationale du médicament (ANSM)
Le 21 Novembre dernier l’ANSM a décidé de lancer une audition publique sur les implants mammaires (3) et en attendant les résultats a demandé aux professionnels de santé d’implanter des implants à texture lisse. Il n’est pas recommandé de retirer de manière préventive des implants qui ne posent pas de problème.
- En Juillet 2018, D’apres l’analyse des cas de lymphome anaplasique à grandes cellules associés aux implants mammaires (LAGC-AIM) , 50 cas ont été déclarés à l’ANSM entre 2011 et juillet 2018
- Le 21 nov 2018, A ce jour, 53 cas de femmes atteintes de LAGC-AIM sont confirmés en France.
Les marques de laboratoires relevés par L’ANSM
Les marques concernées de l’étude de l’ANSM datant de juillet 2018 figure sur le tableau ci-dessous
Les types de surface d’enveloppe de prothèses concernés selon l’étude
À noter que dans le marché des prothèses, on retrouve l’utilisation de:
- 85% de prothèses à enveloppe texturée, 13% lisse et 2% de polyuréthane
- 97,7% de protheses remplies en gel de silicone : 97.7%, 1,5% remplies en sérum physiologique et 0,8% remplies de manière mixte ou hydrogel
Les recommandations des sociétés savantes
1) Les Recommandation du directoire de La SOFCEP du 22 novembre 2018
2) Les recommandations de L’ANSM du 21 novembre 2018
L‘ANSM recommande aux chirurgien plastique d’utiliser de préférence des implants mammaires à enveloppe lisse . L’ANSM rappelle que les praticiens sont tenus d’informer les patientes au préalable de la pose d’implants mammaires des risques liés à l’acte chirurgical mais aussi sur l’implant lui-même, notamment les risques liés au LAGC.
La communauté scientifique veille, mais en termes de communications scientifiques le volume reste faible. On note la première communication sur ce sujet en 1995 puis environ 2 à 3 articles par an. Il faut attendre 2011 pour observer une augmentation avec un passage de 3 articles publiés en 2010 à 22 en 2011 et un pic à 40 en 2017. La même année 8545 articles ont été publié sur le seul terme lymphome dans la base scientifique internationale PubMed. On comprend bien que si tout le monde se pose légitimement des questions, il est pour l’instant bien difficile d’y répondre très précisément.
Quoiqu’il en soit , compte tenu de l’absence d’apparition de cas de lymphome anaplasique chez les patientes porteuses de prothèses mammaires à enveloppe lisse , il sera nécessaire d’éviter tout risque, fusse t-il exceptionnel, par l’utilisation des implants à enveloppe texturée.
Toutefois la vigilance de toute la communauté scientifique et médicale est continue. La prise en charge en cas de doute est bien organisée (Aesthetic Surgery Journal 2017, Vol 37(3) 285–289).
Références
- https://www.bfmtv.com/sante/lymphome-un-cancer-meconnu-bien-que-de-plus-en-plus-repandu-1037239.html
- https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-comment-ailleurs/c-est-comment-ailleurs-le-marche-des-protheses-mammaires-au-bresil_2017076.html
- https://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/L-ANSM-lance-une-audition-publique-sur-l-utilisation-des-implants-mammaires-Point-d-Information
- https://www.plasticiens.fr/